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George Braque, cet artiste de génie

  • Olivia
  • 15 janv. 2013
  • 6 min de lecture

Cette exposition fut une réelle découverte de celui que Nicolas de Staël qualifiait du « plus grands des peintres vivants de ce monde ». A chaque nouvelle toile que l’on aborde, Braque nous plonge dans son univers, nous dérobe au monde qui nous environne et nous amène à faire communion avec son œuvre. Cette exposition retranscrit les différents styles que Braque a expérimentés au cours de sa longue et féconde carrière de peintre. Un style se renouvelant sans cesse, il laboure son imagination et sème dans ses œuvres un grain nouveau. Cette recherche de dépassement de son propre style aiguise l’attention du spectateur au fur et à mesure qu’il avance dans l’exposition. Cependant, la rupture n’est pas totalement consommée avec les différents styles de Braque et dans certains cas on note une évolution plus qu’un changement radical de cap de la part du peintre. Chaque nouvelle pièce est une nouvelle exploration permise grâce à la grande fertilité imaginative du peintre.


Je fus sincèrement et très agréablement surprise par cette exposition. Je m’attendais à trouver froids et non communicatifs ces tableaux du cubisme, qui n’est pas ma période préférée en peinture. Mais au moment où j’ai pénétré dans la salle du fauvisme, mes yeux se sont emplis de ces couleurs chaudes et chatoyantes des œuvres comme celles du Port de l’Estaque. Braque qualifie ces peintures d’ « enthousiastes », qui convenait à son âge, 23 ans, en 1906. Effectivement ces toiles par leurs couleurs chatoyantes, leur ciel embrasé et les reflets teintés de couleurs automnales font office de captatio benevolentiæ. Inspiré par le pointillisme de Signac, Braque pose des tâches de couleurs pures pour suggérer le ciel ou les reflets de l’eau. Cette eau paisible est représentée sans le relief des flots, blanche, comme si elle stagnait, et ce sont les reflets multicolores, copies de ceux du ciel qui la font vivre. A l’inverse des impressionnistes qui recherchent à retranscrire l’aspect mouvant, cette surface mobile et sans cesse changeante de l’eau, Braque prend le parti d’une eau calme, presque passive puisqu’elle ne fait que refléter le ciel ou les bateaux. L’eau de Braque est moins vivante, bouillonnante que celle de Caillebotte, Renoir ou Monet.


Port de l'estaque


On comprend ainsi pourquoi le marchand de Braque, Kahnweiler, parle de « réalisme du fugitif » propre à l’impressionnisme, dont les peintres tentent de retranscrire dans leurs toiles le mouvement général d’un monde en pleine métamorphose. Au contraire, pour lui le cubisme est le « réalisme du durable » dans la mesure où « on disait des objets ce que l’on en savait et non pas ce que l’on en voyait d’un seul coup d’œil ». Ainsi Georges Braque « a multiplié (…) la vision du monde en offrant simultanément les diverses faces des choses » d’après les propos d’André Verdet. Cette volonté se concrétise avec le tableau Grand Nu, dans le quel le corps en torsion de la femme est représenté comme une structure qui tourne sur elle-même pour que le spectateur puisse voir les différents points de vue. Braque a d’ailleurs dit à propos de cette œuvre : « Je dois créer une nouvelle sorte de beauté. (…) j’interprète mon interprétation subjective… Je veux exposer l’absolu et non simplement la femme. » Œuvre d’une grande pureté, inspirée de l’art africain par le visage et les yeux vides, qui témoignent d’une volonté d’universalité, « d’Absolu ».


Grand Nu


L’œuvre de l’exposition qui illustre le mieux le cubisme analytique est la Nature morte au violon. (Ce courant du cubisme invite à une analyse de la forme de l’objet pour la reproduire à l’aide de formes géométriques simples. Cette première forme du cubisme se développe entre 1908 et 1912.). Dans ce tableau, la forme de l’objet est réduite à de simples formes géométriques comme le cône ou le cylindre qui est ici représenté couché -au milieu à droite du tableau- et qui se trouve être la volute du violon. L’objet, le violon, est vidé de son contenu, de son apparence extérieure, et seuls ses contours sont marqués au noir. La couleur est bannie du tableau, on y rencontre des teintes comme le gri, l’ocre ou le bleu.


La Nature morte au violon




A l’inverse du cubisme analytique, le cubisme synthétique fait disparaître la perspective et apparaît un espace plus conceptuel, c’est-à-dire un espace dans lequel l’esprit doit synthétiser l’objet. Le spectateur n’est plus passif, il faut qu’il soit un sujet agissant pour avoir une clé d’interprétation de l’œuvre. Dans le cubisme synthétique, l’objet est restauré, les contours sont précis, équilibrés et imbriquent les objets les uns dans les autres. Ceux-ci fusionnent par leurs formes et par leurs couleurs. Ainsi, dans L’homme à la guitare, on parvient à distinguer l’instrument de musique, ce qui n’est pas le cas dans la Nature morte au violon. « J'ai introduit dans mes tableaux du sable, de la sciure de bois, de la limaille de fer. Je voyais combien la couleur dépend de la matière. Prenez un exemple : trempez deux tissus blancs, mais de matière différente, dans la même teinture, leur couleur sera différente », dit Braque. Selon Isabelle Monod-Fontaine : « La démonstration est ici du même ordre. Différentes zones du tableau auraient été « trempées » dans la même couleur bois, révélant ainsi leurs différences de contexture, la couleur ne prenant pas ou ne mordant pas de la même façon selon qu’on est en haut, en bas, à droite, à gauche de la toile. »


L'Homme à la guitare




Braque était très attaché au genre de la nature-morte, notamment à celles représentant des instruments de musique car selon ses mots : « leur plastique, leur volume rentraient dans le domaine de la nature-morte comme (il) l’entendai(t) ». De plus, dans le genre de la nature-morte, Braque expose sa conception de l’objet tel qu’il le voyait et non pas comme il était dans sa forme la plus académique. Alors que dans la nature-morte du peintre hollandais W. Kalf, il y a une recherche de l’harmonie académique, Braque évolue vers une harmonie dans l’organisation de l’espace en « petits cubes » pour reprendre l’expression de Matisse.


Si l’on compare les deux tableaux ci-dessous, on constate que la recherche de l’équilibre et de la précision est présente dans les deux œuvres, même s’ils se manifestent de manière différente.


Le Gueridon ou la Nature morte au violon




Braque continua d’innover au sein même de la nature morte, en changeant la disposition de son cadre –une de ses natures-mortes est présentée dans un cadre rond de quinze centimètres de hauteur sur vingt de largeur, dans les matières choisies –sciure de bois par exemple, mais il peint de plus en plus son univers, celui dans lequel il éprouve un profond bien être qui est celui de la musique. C’est pourquoi tant d’instruments de musique sont présents dans ses natures-mortes, alors que l’académiste du XVIIIème siècle Chardin, considéré comme la référence en matière de nature-morte, en représenta très peu. A partir de 1917, Braque rétablit la couleur dans ses natures-mortes. Son œuvre, Guitare et verre, 1917 en témoigne par l’utilisation du rouge, du vert et du jaune.

En 1931, Braque illustre la Théogonie d’Hésiode. Pour cela, il peint un morceau de plâtre en noir puis utilise un stylet et déroule ses traits qui forment un dessin comme le poète déroule son récit. Braque est fasciné par les textes grecs et par la pureté, la netteté et la précision des dessins sur les vases grecs. Les lignes gravées par Braque sont fluides et incarnent l’irrationnel, le mystère et la magie qui hantent l’humanité.

Vanitas, 1941/1945 : 2nde GM ; tableau présentant un certain relief, thème dramatique souligné par les couleurs sombres tq violet ou noir, évoquent sciences occultes, détresse de la 2nde GM. Vase au centre du tableau semble s’évaporer, sorte de mise en abyme, vanité des choses matérielles.

Le Billard, 1944, billard cassé représente la multitude de formes qu’un joueur voit quand il se penche sur le tapis. La table semble flexible et s’immergé dans un milieu flottant.

La Sarcleuse, ci-dessous, rappelle Van Gogh.



Dans Atelier VIII, nous surprenons l’oiseau en plein vol, il traverse la toile, la déchire par l’éclat de son plumage blanc tandis l’arrière-plan se découpe dans l’ombre. L’oiseau majestueux aspire le regard du spectateur, nul égard n’est porté sur l’atelier en lui-même qui est pourtant le titre de l’œuvre. L’artiste parvient à figer cet instant fugitif, souple et silencieux du vol de l’oiseau. Nous nous ouvrons en tant que témoins de la scène à l’impression d’un mouvement inéluctable du vol, d’un mouvement nécessaire, impulsé par la mentalité de l’artiste, qui essaie de le saisir dans un instant qui est déjà passé. Et il fend la toile comme il fend les airs, l’oiseau ; il semble symboliser l’imagination du peintre, qui a toujours soif d’approfondir une idée sans que le produit fini ne puisse étancher ce besoin vital. (Lorsqu’il reflète dans les Ateliers V et VI, les éléments de la composition, il est le miroir de l’espace mental du peintre. Mais celui-ci peut être irrité par ce volatile omniprésent et choisir de le représenter éclaté dans l’espace, comme dans l’Atelier IX.) Mais les oiseaux s’apparentent parfois à des ombres humaines, aux ailes noires aiguisées comme des couperets, tranchant le ciel blanc tâché de noir, rodant muettement.

L’oiseau par son agile envolée vers des espaces qui sont inconnus à l’homme, constitue l’élément médiatisant entre un monde infini et la condition humaine. Il est la boussole, « l’aiguille magnétique » nous indiquant le chemin à suivre.


Les Oiseaux noirs


 
 
 

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