Critiques de l'expo "Désirs et voluptés à l'époque victorienne" au musée Jaquemart
- Olivia
- 15 déc. 2013
- 4 min de lecture
Une merveille ! Une profusion de drapés colorés coulant le long des corps laiteux, dénudés de jeunes muses, corps dévoilés avec tant de grâce que la beauté de la femme nue est exaltée. C’est sa beauté, non pas charnelle, qui est ici soulignée, bien qu’elle soit exquise dans chaque tableau, mais cette sensualité dévoilée avec des traits si assurés qu’on ne peut les contempler sans éprouver une profonde admiration. Pour moi, ces œuvres de Leighton, Burne-Jones, Strudwick, Rossetti, Long, Alma-Tadema, Millais ou encore Waterhouse représente le beau à l’état pur. J’aime l’alliance subtile entre décors antiques, mythes moyenâgeux ou gréco-romains avec le néoclassicisme d’Ingres. Et quels drapés ! Leighton, dans ses Jeunes filles grecques ramassant des galets, peint l’insouciance de la jeunesse, la grâce irradiante qui s’étend jusqu’aux plis des robes soulevés par le vent. Ce gonflement ne fait que renforcer l’incroyable subtilité du trait du maître, nous prend à la gorge et ns plonge dans un étonnement qui nous empêche de lever les yeux du tableau. Dans un autre genre, Antigone et Andromède, les cheveux roux serrés par un ruban noir, nous présentent un autre visage de l’héroïne antique. Elle y est représentée en gloire, non pas dans la manière habituelle, mais dans un moment critique de son existence. Pourquoi en gloire ? Car elle incarne cette force de la femme, de la volonté plus que déterminée chez Antigone où les torsions de son coup traduisent celles de son cœur. Quant à Andromède, offerte en sacrifice à un monstre marin car son péché était d’être plus belle que les néréides, filles de Poséidon, elle attend résignée sa fin alors que le vent et les flots se déchainent autour d’elle, elle reste d’une beauté pâle et froide, au déhanché sensuel, comme si elle était prête à s’offrir aux flots. Une des particularités de ces peintres de l’esthétisme est cette attention toute particulière à cadrer leurs tableaux autour des personnages et non des décors. Ceux-ci pourtant chez Alma-Tadema notamment nous emmènent sur les côtes méditerranéennes et nous transposent en un coup d’œil à Pompéi, à Naples, à Rome ou à Athènes. Le fait qu’il y ait une histoire derrière chaque tableau, qu’un poème de Tennyson ou Meredith nous donne une clé d’interprétation me plaît, car c’est un moyen judicieux d’aiguiser la curiosité du spectateur pour les poèmes qu’illustrent les tableaux. Par exemple, Elaine contemplant le bouclier de Lancelot dans la toile de Strudwick, Elaine, nous présente une héroïne inconnue du Moyen Âge arthurien.
Si les corps dans leur plus grande splendeur et délicatesse sont mis à l’honneur, les artistes ne négligent pas pour autant le visage de leurs muses. Ainsi, ce sont leurs femmes ou leurs maîtresses qui leur ont servi de modèle et on ressent cette admiration de la beauté féminine différemment selon les artistes. Edwin L. Long dans La Reine Esther, peint une jeune juive aux cheveux et aux yeux noirs mélancoliques qui contrastent avec les couleurs pâles de sa robe et du châle qu’elle est en train d’enfiler. C’est un divin visage que peint ici l’artiste et qui plus est brave puisqu’Esther a sauvé son peuple d’un massacre que son mari le roi perse Assuérus avait prévu de commettre. La femme est courageuse et non cantonnée au champ domestique comme à l’époque victorienne. L’Agrippine d’Alma-Tadema traduit cette fascination pour la femme courageuse, responsable et sage, quand on sait que Germanicus accordait toute sa confiance et son amitié la plus profonde à cette femme noble et intelligente. L’utilisation des couleurs est différente selon les artistes. Si Leighton reste dans les couleurs sombre et froides, Alma-Tadema lui privilégie les roses, les rouges sang poignant comme pour la robe d’Agrippine. Le rouge est aussi mis à l’honneur pour la représentation de la femme fatale, dans La boule de cristal, de Waterhouse, tableau dans lequel les cheveux noirs et la peau blanche de la jeune femme contrastent avec le rouge de la robe et les serpents au bas de l’habit, entourés d’un médaillon, qui rappellent les sciences occultes que celle-ci est en train de pratiquer. Cette femme est à la fois mystérieuse et attirante, angoissante et envoûtante. Ce savoureux mélange ajoute au côté mystérieux de la femme que nul ne connaît pas même elle-même. Ses vices parfois sont mis en scène comme sur le tableau de Burne-Jones, Fatima, représentant la dernière femme du cruel Barbe Bleu, ouvrant la porte du cabinet interdit. Par la femme, les artistes préraphaélites représentent toute la complexité de la nature humaine, son irrationalité aussi, surtout en amour dans le tableau de Millais, La couronne d’amour, (d’après un poème de George Meredith) où les amants périssent ensemble en atteignant le sommet de la colline pour que la princesse appartiennent pour toujours au chevalier. Amour intense puisqu’elle sera conquise dans la mort mais on ne peut s’empêcher de condamner la précipitation du chevalier à vouloir posséder sa bien-aimée. L’exposition se termine avec le portrait de la femme idéale, intitulé Valeria de l’artiste anglais Wontner. Un visage ovale et fin, des traits nobles et bien dessinés, un nez droit, un port de tête majestueux et des yeux bleus qui vous transpercent l’âme. Le tout surplombés par des cheveux noirs coiffés avec un ruban. Jamais plus belle femme n’a été peinte.

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